Péché de classique n° 101, novembre 2010
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Vincent Paulet, comment avez-vous traité le texte de la célèbre « Ballade des pendus » de François Villon, et pourquoi avoir choisi de mettre ce poème en musique ?
Ce n’est pas un choix de ma part : la commande qui m’a été faite en 1988 m’imposait ce texte ; mais j’ai adhéré à cette proposition, car la profonde humanité de ce poème m’a toujours touché : Villon, qui, en l’attente de son exécution, aurait composé cette « Épitaphe » à son propre usage, nous implore, nous, ses « frères humains », de prier pour sa rédemption.
En mettant en musique ce poème, j’ai surtout cherché à laisser s’épanouir la musicalité des mots, en développant et commentant les différentes idées du texte, vocalement mais aussi instrumentalement (entre chaque strophe intervient un commentaire purement instrumental), parfois de façon ouvertement figuraliste, car Villon n’est pas avare de descriptions macabres : l’effectif instrumental, composé d’un quatuor à cordes, d’un piano et d’une clarinette tour à tour menaçante, caressante ou apocalyptique, offre une palette sonore inépuisable à qui veut suggérer le vent, la pluie ou les corbeaux… quand ce n’est pas le balancement des cadavres. Mais on aurait tort de ne voir dans tout cela que de la noirceur : Villon fait aussi de ce poème une prière et nous adresse un message d‘espoir ; à la fin de l’oeuvre, je souligne cette dimension en citant le début d’une antienne grégorienne : « In paradisum », reposant sur une harmonie transfigurée.
Le piano est présent sur toutes les pièces du disque : joue-t-il un rôle particulier dans votre écriture ?
C’est mon instrument de prédilection, mon prolongement naturel en quelque sorte, puisque je m’en sers aussi bien pour composer que pour lire des partitions, improviser ou enseigner ; mais le fait que le programme du disque tourne autour du piano est surtout dû à la présence de l’un des plus fidèles interprètes de ma musique : Jean-Michel Dayez.
Comment avez-vous choisi les musiciens ?
Jean-Michel Dayez, qui a également participé au choix des oeuvres, m’a proposé deux de ses partenaires : Marion Ralincourt et Xavier Gagnepain ; de mon côté, je connaissais de longue date Isabel Soccoja et les musiciens du quatuor Parisii (lesquels ont proposé à Florent Héau de se joindre à eux) pour avoir déjà travaillé avec eux sur la « Ballade des pendus » ; quant à Nicolas Krüger, je l’ai connu à l’occasion de la première audition à Londres de mon « De profundis », où il dirigeait les BBC Singers. Je dois dire que je ne regrette rien de cette distribution : l’engagement de tous, palpable à l’audition, apporte à l’interprétation une autorité et une force de conviction que je trouve irrésistibles.
Pour vos oeuvres, quelle place joue le concert vis-à-vis du disque ? Sont-elles reprises en concert après leur création ?
Oui, la plupart sont reprises, certaines plus que d’autres, comme, sur ce disque, « Partita 2 », qui, depuis le prix qu’elle a remporté en 1987 au Japon, figure au répertoire de nombreux flûtistes. Pour un programme discographique, j’essaie toujours de rassembler des oeuvres qui ont suffisamment « tourné » en concert (« Le grand stellaire » ou le « De profundis », précédemment enregistrés, avaient été joués plus de 30 fois), ce qui apporte au disque une maturité que l’on risquerait de ne pas obtenir en choisissant des partitions plus « fraîches ».
En dehors de la littérature, quelles sont vos sources d’inspiration ?
Tout ce qui peut enrichir mon imaginaire ; mon univers intérieur est fait de spiritualité et de délire (Jérôme Bosch y côtoie Greco et Dostoïevsky… Boby Lapointe !), ces tendances apparemment contradictoires se nourrissant mutuellement, ce qui explique sans doute la diversité et la mobilité de la musique que j’écris.
Appartenez-vous à une école ou à un mouvement ? ou défendez-vous une esthétique particulière ?
Je crois que l’on peut utiliser les ressources d’une écriture d’avant-garde tout en pratiquant un art relié à la tradition : la musique que j’écris ne s’interdit aucun moyen d’expression, du moment qu’il soit au service d’un contenu artistique authentique et sincère ; cette position, aussi éloignée des conservatismes que des esthétiques de rupture, constitue une sorte de troisième voie, pas toujours confortable ; en tout cas, je revendique fièrement cette indépendance.
Propos recueillis par D.M.,www.codaex.com
Ce n’est pas un choix de ma part : la commande qui m’a été faite en 1988 m’imposait ce texte ; mais j’ai adhéré à cette proposition, car la profonde humanité de ce poème m’a toujours touché : Villon, qui, en l’attente de son exécution, aurait composé cette « Épitaphe » à son propre usage, nous implore, nous, ses « frères humains », de prier pour sa rédemption.
En mettant en musique ce poème, j’ai surtout cherché à laisser s’épanouir la musicalité des mots, en développant et commentant les différentes idées du texte, vocalement mais aussi instrumentalement (entre chaque strophe intervient un commentaire purement instrumental), parfois de façon ouvertement figuraliste, car Villon n’est pas avare de descriptions macabres : l’effectif instrumental, composé d’un quatuor à cordes, d’un piano et d’une clarinette tour à tour menaçante, caressante ou apocalyptique, offre une palette sonore inépuisable à qui veut suggérer le vent, la pluie ou les corbeaux… quand ce n’est pas le balancement des cadavres. Mais on aurait tort de ne voir dans tout cela que de la noirceur : Villon fait aussi de ce poème une prière et nous adresse un message d‘espoir ; à la fin de l’oeuvre, je souligne cette dimension en citant le début d’une antienne grégorienne : « In paradisum », reposant sur une harmonie transfigurée.
Le piano est présent sur toutes les pièces du disque : joue-t-il un rôle particulier dans votre écriture ?
C’est mon instrument de prédilection, mon prolongement naturel en quelque sorte, puisque je m’en sers aussi bien pour composer que pour lire des partitions, improviser ou enseigner ; mais le fait que le programme du disque tourne autour du piano est surtout dû à la présence de l’un des plus fidèles interprètes de ma musique : Jean-Michel Dayez.
Comment avez-vous choisi les musiciens ?
Jean-Michel Dayez, qui a également participé au choix des oeuvres, m’a proposé deux de ses partenaires : Marion Ralincourt et Xavier Gagnepain ; de mon côté, je connaissais de longue date Isabel Soccoja et les musiciens du quatuor Parisii (lesquels ont proposé à Florent Héau de se joindre à eux) pour avoir déjà travaillé avec eux sur la « Ballade des pendus » ; quant à Nicolas Krüger, je l’ai connu à l’occasion de la première audition à Londres de mon « De profundis », où il dirigeait les BBC Singers. Je dois dire que je ne regrette rien de cette distribution : l’engagement de tous, palpable à l’audition, apporte à l’interprétation une autorité et une force de conviction que je trouve irrésistibles.
Pour vos oeuvres, quelle place joue le concert vis-à-vis du disque ? Sont-elles reprises en concert après leur création ?
Oui, la plupart sont reprises, certaines plus que d’autres, comme, sur ce disque, « Partita 2 », qui, depuis le prix qu’elle a remporté en 1987 au Japon, figure au répertoire de nombreux flûtistes. Pour un programme discographique, j’essaie toujours de rassembler des oeuvres qui ont suffisamment « tourné » en concert (« Le grand stellaire » ou le « De profundis », précédemment enregistrés, avaient été joués plus de 30 fois), ce qui apporte au disque une maturité que l’on risquerait de ne pas obtenir en choisissant des partitions plus « fraîches ».
En dehors de la littérature, quelles sont vos sources d’inspiration ?
Tout ce qui peut enrichir mon imaginaire ; mon univers intérieur est fait de spiritualité et de délire (Jérôme Bosch y côtoie Greco et Dostoïevsky… Boby Lapointe !), ces tendances apparemment contradictoires se nourrissant mutuellement, ce qui explique sans doute la diversité et la mobilité de la musique que j’écris.
Appartenez-vous à une école ou à un mouvement ? ou défendez-vous une esthétique particulière ?
Je crois que l’on peut utiliser les ressources d’une écriture d’avant-garde tout en pratiquant un art relié à la tradition : la musique que j’écris ne s’interdit aucun moyen d’expression, du moment qu’il soit au service d’un contenu artistique authentique et sincère ; cette position, aussi éloignée des conservatismes que des esthétiques de rupture, constitue une sorte de troisième voie, pas toujours confortable ; en tout cas, je revendique fièrement cette indépendance.
Propos recueillis par D.M.,www.codaex.com